France Stratégie détaille, dans une note diffusée le 19 avril 2023, le profil des Français qui ont quitté leur activité professionnelle de manière anticipée en fin de carrière sans avoir pour autant liquidé leur retraite. Des spécificités autour de cette inactivité apparaissent selon les métiers.
La publication est venue en résonnance de la toute fraîche promulgation de la dernière réforme des retraites, qui a entériné le report de deux ans (de 62 à 64 ans) de l’âge légal de départ. Le 19 avril 2023, France Stratégie a divulgué une note d’analyse qui détaille le profil des Français qui ont quitté leur activité professionnelle de manière anticipée en fin de carrière sans avoir pour autant liquidé leur retraite.
L’étude, menée par l’institution publique placée sous la tutelle de Matignon - elle a remplacé, en 2013, le Conseil d’analyse stratégique (CAS) et le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) -, note qu’entre 2004 et 2019, ce sont 171.000 seniors âgés de 50 à 69 ans qui ont quitté chaque année en moyenne leur emploi de manière précoce, sans toutefois partir en retraite. Ainsi, ses auteurs évaluent à 29% le nombre des départs en fin de carrière ne relevant pas d’une liquidation des droits à la retraite.
Les cadres et les techniciens peu concernés
Ces sorties prématurées du marché de l’emploi (donc hors retraite et pré-retraite) sont un « phénomène bien connu de manière globale », concède France Stratégie. Mais l’institution met l’accent sur le fait que sa note, intitulée « Fin de carrière des seniors : quelles spécificités selon les métiers ? », permet d’établir « un diagnostic précis » des catégories de personnes concernées.
France Stratégie signale que, fort de l’analyse des activités et des secteurs dans lesquels gravitent les seniors concernés, « l’ampleur de ces sorties précoces de l’emploi apparaît de fait très hétérogène ». Et d’ajouter que celles-ci « représentent plus de quatre départs en fin de carrière sur dix dans certains métiers, contre un sur dix à l’autre bout du spectre ».
Toujours selon ses observations, il apparaît que sur la période étudiée, la proportion de sorties prématurées de l’emploi « oscille entre 21% chez les cadres et 46% chez les ouvriers peu qualifiés ». France Stratégie constate également que les départs en fin de carrière ne relevant pas d’un passage immédiat de l’emploi à la retraite « représentent au moins 39% des départs en fin de carrière chez les employés peu qualifiés et les ouvriers qualifiés, contre seulement 29% pour l’ensemble des seniors qui partent en fin de carrière ».
L’hébergement-restauration et le bâtiment particulièrement touchés
France Stratégie a choisi, dans le cadre de son étude, de mettre un coup de projecteur sur vingt métiers pour lesquels la part de sorties précoces de l’emploi est la plus élevée. Parmi eux, « ce sont entre quatre et près de six départs en fin de carrière sur dix qui ne relèvent pas d’une liquidation de la retraite », observe l’institution publique.
Les métiers les plus concernés par ce phénomène sont ceux « relevant des domaines de l’hébergement-restauration (employés polyvalents, cuisiniers), du bâtiment (second œuvre et gros œuvre, conducteurs d’engins), des services aux particuliers et aux collectivités (services à la personne, agents d’entretien) et de la manutention », expliquent les auteurs.
Ces derniers remarquent, par ailleurs, que les départs prématurés du monde du travail des seniors « interviennent à des âges différents selon les métiers » : si la sortie précoce de l’emploi survient à « 57 ans en moyenne pour les ouvriers peu qualifiés des industries de process et pour les caissiers et employés de libre-service », c’est « près de 60 ans pour les assistants maternels, les patrons et les cadres d’hôtels, cafés et restaurants ».
Santé, chômage et inactivité
France Stratégie identifie également les trois causes principales de ces sorties précoces de l’emploi. Il y a d’abord les raisons de santé qui, comme le rappelle la note, concernent « les personnes en non-emploi au sens du Bureau international du travail (BIT) qui déclarent avoir quitté leur emploi pour longue maladie ou pour invalidité dès 51 ans, ainsi que les personnes en emploi mais en congé de longue maladie dès 56 ans ». Autre facteur déclenchant : le chômage, « au sens du Bureau international du travail, pour les personnes âgées de 59 ans ou plus ».
Vient, enfin, l’inactivité pour les personnes âgées de 56 ans ou plus. France Stratégie explique qu’il « s’agit de seniors ayant renoncé à la recherche d’un emploi ou qui ne sont pas disponibles, par exemple parce qu’ils ont la charge d’un proche en situation de dépendance ».
La note montre que le motif premier de ces départs est variable selon les postes occupés. Ainsi, la santé arrive en tête pour 30% des caissiers et employés de libre-service, tandis que l’inactivité est la première cause pour un ouvrier qualifié de la manutention sur cinq, expliquent les auteurs. « S’agissant du chômage et de l’inactivité, les sorties précoces apparaissent modérément liées à la catégorie socioprofessionnelle », avertit cependant France Stratégie. L’institution publique avance que « les employés et ouvriers peu qualifiés sont en revanche surreprésentés dans les sorties précoces pour raisons de santé ».